Affaire Boeing : nouveaux tarifs UE peu après l’élection de Joe Biden
La Commission européenne a décidé, le 9 novembre dernier, d’imposer des tarifs supplémentaires de 15% à 25% sur une série de produits agricoles et industriels américains avec effet le 10 novembre 2020. Cette décision est le dernier développement en date dans la bataille juridico-commerciale devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), vieille de 15 ans, entre l’Union européenne et les États-Unis autour des subsides accordés aux grands constructeurs d’avions Boeing et Airbus.
Mesures européennes
Les mesures additionnelles étaient largement attendues mais le timing pose question, quelques jours seulement après la désignation du président élu Joe Biden. L’exécutif européen juge que les Américains, sous l’Administration Trump, ont eu amplement le temps de se conformer aux règles de l’OMC. L’Union européenne conforte ainsi ses droits sur le plan international. Le message adressé à la future Administration Biden est clair : nous sommes deux à pouvoir prendre des contre-mesures, mettons-nous enfin autour de la table !
L’imposition de nouveaux tarifs douaniers fait suite à la plainte (DS353) déposée par l’Union européenne à l’encontre des États-Unis devant le « tribunal » de l’OMC en 2005. Cette plainte conteste les subventions publiques – jugées illégales – octroyées par le gouvernement fédéral et les autorités locales américaines au constructeur Boeing. L’Union européenne avait obtenu par l’OMC, le 13 octobre 2020, le droit d’imposer des contre-mesures tarifaires sur des produits américains d’une valeur de 4 milliards USD annuellement. Droit qu’elle vient donc de mettre à exécution.
La décision européenne risque de se heurter à l’incompréhension des services du représentant US au Commerce (USTR) qui ont souligné la pleine légalité des dernières aides américaines avec les règles OMC. La mesure en cause : le Washington State Business & Occupation Tax Rate Reduction), un régime fiscal préférentiel accordé à Boeing, a été récemment supprimé par l’État de Washington. Selon les États-Unis, l’Union n’a ainsi plus aucune base juridique valable afin d’imposer ses propres contre-mesures. Le risque que l’Administration Trump réagisse par une escalade de nouvelles mesures tarifaires est réel, surtout dans une situation post-électorale peu claire, où le président sortant n’a que peu de motivation à aplanir les différences avec l’Europe.
Affaire Airbus
Toutefois, rappelons que ces taxes douanières européennes dans l’affaire Boeing ont été prises en miroir de celles imposées par les États-Unis dans une affaire parallèle liée au constructeur Airbus et ses programmes phares A350 et A380. La Commission européenne s’inscrit dans une logique de proportionnalité. Le 18 octobre 2019, Washington a imposé des taxes additionnelles (de 10 à 25%) frappant les produits européens suite aux subventions publiques, jugées illégales, accordées à la société Airbus par l’Union européenne et 4 États membres (Allemagne, Espagne, Royaume-Uni et France) durant plusieurs années. Ces mesures ont été autorisées par l’OMC.
Solution négociée
Les soupçons réciproques concernant des manquements aux règles de l’OMC, aussi bien de la part des États-Unis que de l’Union européenne et certains de ses États membres, plaident en faveur d’un accord politique entre Washington et Bruxelles. Les entreprises belges espèrent que cette dernière décision de la Commission européenne ne viendra pas aggraver davantage les tensions commerciales bilatérales. Une résolution de ce différend de longue date, bien que fort souhaitable, devra probablement attendre la mise en place de la nouvelle Administration US.
Pour plus d’information
Affaire Boeing : https://www.wto.org/english/tratop_e/dispu_e/cases_e/ds353_e.htm
Listes des tarifs douaniers UE : https://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2020/november/tradoc_159072.pdf https://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2020/november/tradoc_159071.pdf