Actualités 30 janvier 2024

La généralisation des chambres de règlement à l’amiable

Les modes alternatifs de règlement des conflits (« MARC ») sont connus depuis longtemps : ils se développent de manière importante depuis une vingtaine d’années et ont de plus en plus la cote parmi les acteurs du monde judiciaire. Il s’agit de processus (comme la médiation ou la conciliation) visant à permettre à des parties en conflit de rechercher amiablement une solution mettant un terme au conflit, en dehors des circuits mis en place par les États pour le règlement judiciaire de litiges.

C’est en 2013 que le législateur belge a créé les premières chambres de conciliation : celles-ci étaient cependant limitées au tribunal de la famille.

La loi du 18 juin 2018 a ensuite consacré la mission conciliatrice du juge. Alors que la médiation est un processus relativement long dans lequel les parties vont tenter de trouver elles-mêmes une solution au litige, avec l’aide d’un médiateur neutre, les juges conciliateurs vont tenter, sur une courte durée (souvent 90, voire 120 minutes), d’amener les parties à résoudre leur conflit et pourront pour ce faire donner leur avis, suggérer des solutions aux parties et/ou les confronter aux réalités juridiques et judiciaires. Le juge conciliateur est donc indépendant et impartial comme le médiateur, mais il n’est pas neutre.

Suite à l’entrée en vigueur de la loi de 2018, certains tribunaux ont mis en place, de manière ponctuelle et individuelle, des initiatives(-pilotes) en matière de conciliation dans des affaires autres que familiales : à Bruxelles c’est notamment le cas du tribunal de l’entreprise ou de la cour d’appel, où des chambres de règlement amiable ont été instituées. Les justiciables peuvent tenter d’y résoudre leur litige avec l’aide d’un magistrat.          

Au vu des bons résultats de ces expériences − près de 80 % de taux d’accord − le législateur a voulu, par une loi du 19 décembre 2023, encourager davantage le recours aux MARC en imposant la création de telles chambres de règlement à l’amiable (« CRA ») dans toutes les juridictions civiles, commerciales et sociales (tribunal de première instance, du travail, de l’entreprise, cour d’appel et cour du travail). L’objectif de la loi est également de mieux organiser le fonctionnement de ces CRA et de clarifier certaines règles de procédure.

Parmi les principales caractéristiques de la conciliation devant une CRA, on retiendra qu’elle reste une démarche volontaire (elle ne peut être imposée). En outre, une confidentialité stricte de ce qui se dira devant la CRA est prévue afin d’éviter qu’une partie ne soit préjudiciée dans le cadre d’un éventuel retour à la procédure judiciaire classique. Ainsi, les audiences de la CRA ne seront pas publiques et le juge de la CRA ne pourra pas connaître du dossier si les parties décidaient ensuite d’introduire une procédure judiciaire après l’échec de leur conciliation.     

Une conciliation peut avoir lieu en cours de procédure judiciaire ou avant toute procédure (conciliation « précontentieuse »). Dans ce second cas, le litige peut être soumis à la CRA à la demande d’une des parties ou de leur commun accord. Les parties seront convoquées par le greffe à une audience de la CRA. Aucun frais d’huissier, indemnité de procédure ni droit de mise au rôle ne seront dus. La conciliation se termine par un procès-verbal qui constate l’échec de la conciliation ou les termes de l’accord. Afin de favoriser la conciliation précontentieuse, il est prévu qu’une telle demande est assimilée à une mise en demeure (ce qui permet de réclamer des intérêts de retard) et que la prescription est prolongée pendant toute la durée de la conciliation.

Certes, tous les litiges ne pourront pas se clôturer amiablement suite à une conciliation réussie. Cela dit, au vu des résultats prometteurs des expériences-pilotes menées par différentes juridictions, la création des CRA est, à l’heure où l’arriéré judiciaire est souvent dénoncé, certainement une initiative utile permettant de faire gagner un temps précieux aux entreprises en litige. Et comme le dit la sagesse populaire, « il vaut parfois mieux un (mauvais) accord qu’un bon procès ».

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