L’inflation élevée de ces dernières années a occasionné beaucoup de préjudices économiques. Néanmoins, les travailleurs belges ont vu leur pouvoir d’achat bien mieux protégé qu’à l’étranger suite à l’indexation automatique des salaires. En revanche, les entreprises belges ont logiquement vu leurs coûts salariaux augmenter beaucoup plus rapidement qu’à l’étranger, alors qu’elles devaient déjà faire face à de fortes hausses des coûts de l’énergie et des matières premières.
Un double (triple) coup dur, donc, pour les entreprises, qui se traduit très clairement par une forte baisse de leur rentabilité (voir infra). Pourtant, en Belgique aussi, les syndicats laissent parfois entendre qu’il y aurait une greedflation, terme qui désigne une situation dans laquelle les entreprises augmentent les prix plus que nécessaire pour absorber l’augmentation des coûts dans l’intention d’accroître leurs marges bénéficiaires. Dans ce cas, on devrait observer, durant la vague inflationniste actuelle, une augmentation des marges bénéficiaires, tant au niveau des entreprises qu’au niveau macroéconomique.
Or, au niveau macroéconomique, nous constatons exactement le contraire. L’excédent brut d’exploitation (EBE), à savoir la partie de la valeur ajoutée conservée par les entreprises après paiement des salaires, a certes atteint un pic de 44,5 % au 1e trimestre 2021, lorsque l’économie (et en particulier l’industrie) était en pleine reprise après une première phase de réouverture post-COVID19, mais selon la Banque nationale, l’inflation de base à ce moment-là (mars 2021) n’était que de 0,96 %.
Ce n’est qu’à partir de novembre 2021 que l’inflation de base a dépassé les 2 % et qu’elle s’est ensuite accélérée de manière continue jusqu’au premier semestre de 2023. Tout au long de cette période, cependant, l’EBE est resté stable ou a même légèrement diminué. L’inflation sous-jacente a culminé à plus de 8 % en mai 2023, mais au dernier trimestre de 2022 et au premier de 2023, l’EBE est tombé en chute libre en raison d’indexations salariales très importantes fin 2022 et début 2023 (40 % des travailleurs ont eu une indexation de plus de 11 % au tournant de l’année) et d’une facture énergétique moyenne des entreprises qui a plus que doublé par rapport au début de 2022, les contrats ayant dû être renouvelés à des prix plus élevés (Source : Graydon Creditsafe). Les entreprises n’ont donc absolument pas pu compenser cela par des augmentations de prix et ont dès lors vu leurs marges bénéficiaires se réduire fortement.
La baisse des marges bénéficiaires a également été confirmée au niveau des entreprises. En s’appuyant sur une analyse microéconomique, la Banque nationale a constaté que la marge brute de l’entreprise médiane, exprimée en pourcentage du chiffre d’affaires, était déjà en baisse au cours des trois premiers trimestres de 2022.
Ces observations réfutent très clairement l’hypothèse d’une greedflation. La baisse des marges bénéficiaires indique précisément le contraire : les entreprises ont absorbé le choc des prix par une sérieuse baisse de rentabilité.
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