Actualités 07 juin 2023

L’accord social du 6 avril 2023 expliqué

Le 6 avril 2023, les partenaires sociaux interprofessionnels ont défini un cadre d’accords sur plusieurs thèmes interprofessionnels qui forment un tout indivisible. Ils ont concrétisé cet accord le 31 mai au CNT via la signature de plusieurs conventions collectives et d’avis. Rappelons également que l’Arrêté royal du 13 mai 2023 portant exécution de l’article 7, § 1er de la loi du 26 juillet 1996 relative à la promotion de l’emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité (AR norme salariale) a été publié au Moniteur belge du 26 mai. 

Les différentes mesures de l’accord sont décrites ci-dessous :

1. Prolongation des heures supplémentaires volontaires additionnelles ou «heures de relance»

La mesure accordant 120 heures supplémentaires volontaires supplémentaires, appelées heures de relance, sera prolongée pour tous les secteurs jusqu’au 30 juin 2025. Cette mesure signifie que chaque travailleur de chaque secteur peut effectuer 120 heures de relance pendant la période allant du 1er juillet 2023 au 31 décembre 2023, 120 pendant toute l’année 2024 et 120 autres pendant la période allant du 1er janvier 2025 au 30 juin 2025, et ce dans tous les secteurs. Les modalités d’application qui étaient déjà applicables sont maintenues. Concrètement, cela signifie :
  • pas de récupération, pas de sursalaire, pas de prise en considération dans le calcul du temps de travail hebdomadaire moyen et du plafond interne, pas de cotisations de sécurité sociale ni d’assujettissement à l’impôt des personnes physiques.
L’article 25 bis, § 2 de la loi sur le travail s’applique également à ces heures de relance, ce qui implique que l’accord du travailleur pour prester ces heures de relance doit être constaté par écrit pour une période renouvelable de 6 mois et que cet accord doit être conclu expressément et préalablement à la période concernée. Il doit donc être clair que le travailleur a marqué son accord sur ce régime spécifique des heures de relance (e.a. sans sursalaire) et que cet accord a été donné préalablement à leur utilisation. Dans l’hypothèse où le processus législatif exécutant cette mesure ne serait pas achevé à temps, les trois ministres de tutelle compétents (Emploi, Affaires sociales et Finances) se sont engagés à donner instruction aux administrations concernées (SPF ETCS, ONSS et SPF Finances) d’accepter en tout cas de lege ferenda l’application des mesures de flexibilité à partir du 1er juillet 2023. À cet effet :
  • le SPF ETCS placera une communication sur son site web pour indiquer qu’il accepte l’application de cette mesure à partir du 01.07.2023 ;
  • l’ONSS enverra une instruction aux employeurs et aux secrétariats sociaux d’où il ressortira que ces heures de relance sont exonérées de cotisations sociales ;
  • le SPF Finances publiera une circulaire indiquant que l’application de l’exonération de l’impôt des personnes physiques pour le travailleur sera acceptée avec effet rétroactif au 01.07.23, dès que le processus législatif sera complètement achevé. Sous réserve des projets de textes, cela signifie que le précompte professionnel retenu et versé ne pourra être régularisé qu’après la publication de la loi. Concrètement, cela signifie aussi qu’après l’entrée en vigueur de la loi, il faudra procéder à une correction des feuilles de paie.

2. Prolongation du régime fiscal avantageux de dispense partielle de précompte professionnel pour 180 heures supplémentaires «ordinaires»

Le régime fiscal avantageux pour les heures supplémentaires « ordinaires » qui, en application des articles 154bis et 275 CIR92, a été porté de 130 heures supplémentaires à 180 heures supplémentaires pour tous les secteurs par l’accord social précédent et qui courait jusqu’au 30 juin 2023, est prolongé jusqu’au 30 juin 2025. Il s’agit des heures supplémentaires (par année et par travailleur) pour lesquelles un sursalaire est dû et pour lesquelles il existe un régime de dispense partielle du versement du précompte professionnel pour l’employeur et de réduction du précompte professionnel pour le travailleur. Dans l’hypothèse où le cadre légal pour l’augmentation à 180 heures supplémentaires ne serait pas prêt à temps avant le 01.07.2023, le ministre des Finances, en collaboration avec le SPF Finances, nous a assuré que cette mesure pourra être appliquée avec effet rétroactif au 01.07.23, une fois qu’elle sera entérinée par une loi. Sous réserve des textes de loi définitifs, cela signifierait dans ce cas que le précompte professionnel retenu et versé pour les mois concernés ne pourra être régularisé qu’après la publication de la loi. Concrètement, cela signifierait aussi qu’après l’entrée en vigueur de la loi, il faudra procéder à une correction des feuilles de paie.  

3. Régime de chômage avec complément d’entreprise à 60 ans jusqu’au 30 juin 2025

Les partenaires sociaux ont conclu au CNT les conventions collectives de travail nécessaires pour le renouvellement des régimes de chômage avec complément d’entreprise (RCC) jusqu’au 30 juin 2025.
  • 3.1 Régime général
Le régime général à 62 ans reste inchangé (ce régime est prévu par la CCT n°17. Il requiert 40 ans de passé professionnel. Pour les femmes le passé professionnel requis est fixé à 39 ans en 2023. Il sera porté à 40 ans en 2024, fin de la période transitoire
  • 3.2 Régimes spécifiques
L’âge d’accès est maintenu à 60 ans jusqu’au 30 juin 2025 pour tous les régimes spécifiques, à l’exception du régime de RCC pour les travailleurs licenciés moins valides ou ayant des problèmes physiques graves pour lequel l’âge de 58 ans est maintenu. On dénombre actuellement 5 régimes spécifiques de RCC[1] :
  • Le RCC pour travailleurs âgés licenciés qui ont travaillé 20 ans dans un régime de travail de nuit, qui ont été occupés dans le cadre d’un métier lourd ou qui ont été occupés dans le secteur de la construction et sont en incapacité de travail (avec 33 ans de passé professionnel comme salarié). En plus de la CCT du CNT, une initiative sectorielle est requise en vue de l’octroi de ce RCC ;
  • Le RCC métiers lourds dit résiduaire (avec 35 ans de passé professionnel comme salarié). Seule une initiative des secteurs ou de l’entreprise est nécessaire en vue de l’octroi de cette forme de RCC. Aucune CCT du CNT n’est nécessaire ;
  • Le RCC des carrières longues (avec 40 ans de passé professionnel comme salarié). Seule la CCT du CNT est requise pour octroyer ce RCC ;
  • Le RCC pour certains travailleurs âgés licenciés dans une entreprise reconnue comme étant en difficulté ou reconnue comme étant en restructuration. Pour que l’entreprise reconnue comme étant en difficulté ou reconnue comme étant en restructuration puisse octroyer un régime de chômage avec complément d’entreprise, ce régime doit être prévu dans un accord collectif ou une CCT d’entreprise.
  • Le RCC pour certains travailleurs âgés licenciés qui ont une carrière professionnelle de 35 ans et qui ont le statut de travailleurs moins valides ou ayant des problèmes physiques graves. Aucune initiative des secteurs n’est requise pour octroyer ce RCC spécifique. La CCT du CNT suffit pour octroyer ce RCC.
  • 3.3 Disponibilité adaptée
Les partenaires sociaux ont également prolongé les règles concernant la disponibilité pour tous les régimes spécifiques, à l’exception du régime pour les travailleurs licenciés moins valides ou ayant des problèmes physiques graves pour lequel la possibilité de demander une dispense de disponibilité est réglé dans l’AR de 2007 dès 58 ans. En principe, les bénéficiaires d’un RCC sont soumis à une obligation de disponibilité adaptée sur le marché du travail jusqu’à l’âge de 65 ans. Cependant, ceux-ci peuvent, à leur demande, être dispensés de l’obligation d’être disponibles de manière adaptée pour le marché du travail (art. 22 de l’AR du 3 mai 2007). Cette dispense de l’obligation de disponibilité adaptée sur le marché du travail est octroyée sur la base de l’âge (62 ans) ou du passé professionnel du bénéficiaire d’un RCC (42 ans). Tous les travailleurs licenciés au plus tard le 30 juin 2025 dans le cadre d’un RCC pourront introduire une demande de dispense de disponibilité à l’ONEm (donc y compris les travailleurs licenciés sous l’empire des CCT précédentes avec des préavis (très) longs et également les travailleurs qui qui ont été admis en RCC sur base du chapitre VII (reconnaissance de l’entreprise comme étant en difficulté ou en restructuration). Pour activer ce régime, il faut non seulement une CCT du CNT (il s’agit des CCT conclues le 30 mai 2023), mais également une CCT sectorielle. Pour les travailleurs qui ont été admis en RCC sur base du chapitre VII (reconnaissance de l’entreprise comme étant en difficulté ou en restructuration), l’accord collectif ou la CCT d’entreprise doit se référer explicitement à la CCT du CNT. 

4. Régime de fin de carrière : crédit-temps de fin de carrière avec allocation à 55 ans pour certains travailleurs

  • 4.1 Accès
Les partenaires sociaux ont décidé de maintenir la possibilité pour certains travailleurs âgés d’accéder aux régimes spécifiques de crédit-temps de fin de carrière à 55 ans. En exécution du cadre d’accords du 6 avril 2023, deux conventions collectives ont été conclues pour couvrir la période 2023-2024 et la période allant du 1er janvier 2025 au 31 décembre 2026[2]. La limite d’âge est fixée à 55 ans non seulement pour les travailleurs qui réduisent leurs prestations de travail d’un cinquième, mais également pour les travailleurs qui réduisent leurs prestations de travail à mi-temps.
  • 4.2 Groupe-cible
Le groupe cible est inchangé : pour pouvoir bénéficier de ce régime, les travailleurs doivent pouvoir fournir la preuve qu’ils sont occupés dans une entreprise en restructuration ou en difficultés, qu’ils ont une carrière professionnelle de 35 ans ou qu’ils ont été occupés dans un métier lourd. Pour les autres travailleurs, l’âge d’accès au crédit-temps de fin de carrière avec allocation reste fixé à 60 ans. Une condition de passé professionnel de 25 ans comme travailleur salarié est également requise.
  • 4.3 Adhésion par les secteurs
À noter que pour activer effectivement le droit au crédit-temps de fin de carrière à 55 ans ou plus avec allocations, les secteurs doivent encore adhérer aux CCT du CNT par une convention collective de travail sectorielle en mentionnant explicitement que les instruments sectoriels sont conclus en application de ces conventions collectives de travail. Pour pouvoir appliquer la limite d’âge de 55 ans l’entreprise doit conclure une convention collective de travail à l’occasion de la restructuration ou des difficultés, dans laquelle il est explicitement indiqué qu’il est fait application de la CCT du CNT.

5. Stand-still pour les règles fiscales et parafiscales dans le 2e pilier de pension

En réponse aux incertitudes qui continuent de planer sur la (para-)fiscalité du 2e pilier, les partenaires sociaux ont demandé ensemble au Gouvernement de respecter une période de stand-still durant laquelle il s’engage à ne pas modifier les règles fiscales et parafiscales actuelles. Concrètement, en ce qui concerne la (para)fiscalité sur les primes/cotisations pendant la carrière, les partenaires sociaux demandent le maintien de la cotisation ONSS de 8,86 % pour les employeurs, de la cotisation ONSS de 0 % pour les travailleurs, le maintien de la déductibilité des primes (dans la limite de la règle des 80 %) et le maintien de la cotisation Wijninckx actuelle (sur les primes/cotisations élevées). En ce qui concerne la (para)fiscalité des prestations au moment de la pension, il s’agit du maintien des taux d’imposition actuels de 16,5 % ou 10 % pour le capital (réserves acquises existantes et cotisations futures). Les partenaires sociaux demandent également que le choix, dans le chef du travailleur, du paiement de la pension complémentaire en capital ou en rente soit maintenu.

6. Augmentation progressive du salaire minimum

L’augmentation du revenu minimum mensuel moyen garanti interprofessionnel (RMMMG décidée dans les accords de 2021 est réalisée en plusieurs étapes. La première étape a eu lieu le 1er avril 2022. La deuxième étape est prévue pour le 1er avril 2024 avec une nouvelle augmentation de 35 EUR. Une compensation en faveur des employeurs (au niveau macro-économique) sera prévue via une réduction des cotisations de sécurité sociale (via le relèvement de la borne très bas-salaire).  Les partenaires sociaux ont demandé à l’ONSS de procéder aux différents calculs. Par ailleurs, via la réforme fiscale, le résultat net total de l’augmentation pour le travailleur devra être porté à 50 € par mois et par étape.

7. Adaptation montants RCC / CCT 17 et indemnité complémentaire aux allocations de chômage (CCT 46)  

  • 7.1 CCT 17
Le montant du plafond du salaire de référence pris en considération pour le calcul de l’indemnité complémentaire ainsi que le montant des indemnités complémentaires seront réévalués à partir du 1er juillet 2023 compte tenu de l’évolution conventionnelle des salaires. Le coefficient est de 1,0078 pro-rata temporis.
  • 7.2 CCT 46
Le montant de l’indemnité complémentaire due au travailleur dont le contrat prend fin dans les conditions de la CCT 46 est revalorisé à partir du 1er juillet 2023. Le coefficient retenu est de 1,0078. Les montants sont disponibles sur le site du CNT.

8. Prolongation de la CCT chômage économique des employés 

Dans le cadre du maintien d’un accès simplifié au régime de chômage temporaire pour raisons économiques des employés, les partenaires sociaux ont conclu une convention collective de travail n° 172 établissant un régime de suspension totale de l’exécution du contrat de travail et/ou un régime de travail à temps réduit en cas de manque de travail résultant de causes économiques pour les employés. La CCT n° 172 entrera en vigueur le 1er juillet 2023 et s’appliquera jusqu’au 30 juin 2025. Il s’agit d’une prolongation de la CCT n° 159 établissant un régime de suspension totale de l’exécution du contrat de travail et/ou un régime de travail à temps réduit en cas de manque de travail résultant de causes économiques en conséquence de la situation socioéconomique à la suite de la crise du coronavirus pour les employés, datée du 15 juillet 2021.
  • 8.1 Champ d’application 
La convention collective de travail supplétive n° 172 s’applique aux entreprises reconnues comme entreprises en difficulté lorsqu’il n’existe pas pour l’employeur de régime de suspension totale de l’exécution du contrat de travail et/ou de régime de travail à temps réduit en cas de manque de travail dû à des causes économiques pour les employés, en vertu du chapitre II/1 du titre III de la loi du 3 juillet 1978, ni dans une convention collective sectorielle ou d’entreprise, ni dans un plan d’entreprise. La CCT n’affecte pas les régimes existants dans les secteurs et/ou les entreprises, qui peuvent être maintenus tels quels. Elle s’applique toutefois aux entreprises qui ont déposé un plan d’entreprise qui n’a pas encore été approuvé par la commission "Plans d’entreprise" du SPF Emploi en vertu du chapitre II/1 du titre III de la loi du 3 juillet 1978. Par ailleurs, les secteurs et les entreprises qui n’ont pas pris de mesures conservent la possibilité d’élaborer leurs propres conventions ou plans d’entreprise, en vertu du chapitre II/1 du titre III de la loi du 3 juillet 1978.
  • 8.2 Conditions
Pour bénéficier du régime général de chômage temporaire pour raisons économiques des employés sur la base du chapitre II/1 du titre III de la loi du 3 juillet 1978, l’entreprise doit remplir les conditions préalables prévues à l’article 77/1 de ladite loi du 3 juillet 1978. L’entreprise qui remplit déjà ces conditions peut continuer à utiliser le régime de chômage temporaire pour cause économique sur la base de la convention collective de travail n° 172. La durée de la suspension totale et partielle du contrat de travail ne peut pas excéder la durée maximale de seize semaines par année civile en cas de suspension totale du contrat et la durée maximale de vingt-six semaines en cas de régime de travail à temps réduit.
  • 8.3 Complément
De plus, le montant du complément par jour de chômage accordé par l’employeur aux employés soumis à un régime de suspension totale de l’exécution du contrat de travail et/ou à un régime de travail à temps réduit pour manque de travail dû à des causes économiques a été indexé en vertu de ce cadre d’accords et s’élève actuellement à 6,22 EUR. Le montant de ce complément sera adapté à l’indice des prix à la consommation au 1er janvier 2024 et au 1er janvier 2025, selon la formule définie à l’article 5 de la convention collective n° 172. En outre, ce supplément est au moins équivalent au supplément accordé aux ouvriers du même employeur et/ou de la Commission paritaire dont relève l’employeur, qui bénéficient d’allocations de chômage pour cause de chômage temporaire pour raisons économiques occupés dans la même entreprise ou en l’absence de tels ouvriers, au supplément prévu par la Commission paritaire dont relèverait l’entreprise si elle occupait des ouvriers. En cas d’introduction du régime de chômage pour cause économique pour les employés en vertu du chapitre II/1 du titre III de la loi du 3 juillet 1978, et comme prévu dans cette convention collective, les procédures d’information et/ou de consultation des travailleurs doivent être respectées.

9. Prolongations classiques

Enfin, les partenaires sociaux ont demandé au gouvernement de prendre les mesures législatives et/ou réglementaires nécessaires afin de prolonger les mesures énumérées ci-dessous pour la période 2023-2024 :
  • la cotisation patronale de 0,10 % pour les efforts en faveur des personnes appartenant à des groupes à risque (plus report exceptionnel de la date de dépôt des CCT) ;
  • le système de la prime d’innovation ;
  • l’exemption de l’obligation premier emploi si le secteur prévoit une cotisation patronale de 0,15 % pour les groupes à risque ;
  • le financement et la pérennisation de l’intervention de l’État dans le cadre du système 80/20 (intervention de l’employeur dans les coûts des transports publics pour les déplacements domicile-travail via une convention de tiers payant), avec une enveloppe ouverte ;
  • le maintien du montant total (1.800 EUR) de l’amende pour absence d’aide à l’outplacement.
[1] À noter également qu’un nouveau régime spécifique est créé pour les travailleurs de groupe cible dans les entreprises de travail adapté, les ateliers sociaux et les « maatwerkbedrijven », à partir du 1er juillet 2023. [2] Deux CCT étaient nécessaires, car l’arrêté royal du 12 décembre 2001 pris en exécution du chapitre IV de la loi du 10 août 2001 relative à la conciliation entre l’emploi et la qualité de vie concernant le système du crédit-temps, la diminution de carrière et la réduction des prestations à mi-temps ne permet la conclusion de CCT que pour une durée maximale de 2 ans.
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