Actualités 17 octobre 2023

Les « territoires zéro chômeur » font leur entrée en Belgique - Pourquoi, pour qui ?

Sur proposition du ministre de l’Emploi, le gouvernement a décidé d’introduire en Belgique les « territoires zéro chômeur ». L’expérience vient de France, où elle a été lancée en 2016. Notre ministre a été séduit par l’idée et a souhaité l’importer en Belgique… moyennant quelques adaptations qui, comme souvent dans un jeu des copies, dénaturent singulièrement la version « originale ».

En gros, il s’agit de créer des jobs sur mesure pour les demandeurs d’emploi de longue durée, les personnes handicapées bénéficiant d’un revenu de remplacement et les bénéficiaires du RIS, qui pourront ainsi cumuler une partie de leur allocation/indemnité avec des revenus professionnels. Le contrat de travail part des besoins, demandes, aptitudes et capacités de l’allocataire. C’est lui également qui choisit la durée des prestations qu’il souhaite effectuer.

Pour pouvoir participer au programme, les entreprises/employeurs devront être agréées et proposer des services locaux qui répondent à des besoins sociétaux non (encore) rencontrés. On parle d’épiceries solidaires, de restauration à base d’invendus, d’ateliers de couture, de travaux d’entretien, de jardinage, etc.

Le projet du ministre soulève de nombreuses critiques dont les suivantes :

  • L’activation et la réinsertion des demandeurs d’emploi (de longue durée ou non) sont une compétence des Régions ; celles-ci ont d’ailleurs développé ces dernières années nombre de dispositifs de soutien aux demandeurs d’emploi. Faut-il ajouter une couche fédérale aux dispositifs existants ? Ne vaut-il pas mieux prendre le temps de les évaluer avant de vouloir en ajouter un énième ? De nombreux enseignements sont à tirer des rapports complets et objectifs de la Cour des comptes consacrés à certains de ces dispositifs et au fonctionnement des services régionaux de l’Emploi.
  • Ensuite, il eût été intéressant que le ministre prenne le temps de lire les différentes analyses et critiques de l’expérience française. Le coût réel, pour la collectivité, de mise en œuvre de ce type de contrat est l’un des écueils soulevés par l’Inspection générale des Finances en France.
  • Le ministre entend créer un statut juridique hybride, où le contrat de travail de ces demandeurs d’emploi « ressemblerait » à un contrat de travail, sans dépendre du cadre légal applicable, en édulcorant certains aspects de ce cadre et en choisissant ‘à la carte’ les régimes légaux qui s’appliqueront à ces travailleurs.
  • Enfin, comment ce nouveau dispositif va-t-il constituer une passerelle vers le marché du travail « normal » vu qu’il n’a pas été conçu pour cela ? Certes les travailleurs engagés auront droit à 10 jours de formation par an, mais cela ne s’inscrit dans aucun parcours professionnel permettant l’acquisition de compétences ciblées transférables vers d’autres métiers. Nulle part, il n’est question de « tremplin vers un emploi durable ». Le dispositif ressemble plutôt à un revenu d’appoint pour allocataires sociaux.

Le taux d’emploi en Belgique est de 72 %, avec de fortes disparités entre Régions :  65,2% en Wallonie, 65,6% à Bruxelles et 77% en Flandre, et le taux d’inactivité est de 23,9%. Il y a certes des publics très éloignés de l’emploi, qui nécessitent des accompagnements adaptés. Selon la FEB, il est urgent d’améliorer la qualité et l’efficacité des services de placement pour faire en sorte que les demandeurs d’emploi et les inactifs retournent le plus rapidement possible vers le circuit classique de l’emploi.

À cet égard, l’investissement des pouvoirs publics dans une politique cohérente de (re)mise à l’emploi basée sur un accompagnement individualisé des demandeurs d’emploi résultant de leur niveau réel d’employabilité, constitue une réponse plus durable que de pâles copies d’expérience aussi ciblées.

 

 

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