Actualités 14 mars 2024

Travail forcé: un accord provisoire au niveau européen !

Dans les petites heures du mardi 5 mars, le Parlement européen et le Conseil ont conclu un accord provisoire sur le projet de règlement (UE) 2022/453 relatif à l’interdiction des produits issus du travail forcé sur le marché de l’Union ou « règlement sur le travail forcé ».

Ce règlement européen, qui est quelque peu passé sous le radar par rapport aux discussions sur la Directive « devoir de vigilance », aura néanmoins un impact considérable sur les opérations de nos entreprises et leur imposera des charges administratives supplémentaires.

De quoi s’agit-il ?

Le règlement interdit la mise sur le marché de l’Union européenne de produits issus du travail forcé et leur exportation vers des pays tiers. En cas de suspicion de travail forcé dans la chaine d’approvisionnement liée au produit, les autorités compétentes ouvriront une enquête. Les opérateurs économiques devront alors fournir des informations supplémentaires aux autorités compétentes. Afin de les guider dans leur enquête, une base de données sera établie pour répertorier les zones et produits présentant des risques accrus de travail forcé. Des inspections en dehors de l’Europe pourront également être menées par la Commission européenne, si nécessaire, avec l’accord de l’entreprise et du gouvernement concernés.

Si ces autorités constatent, sur base des informations à leur disposition, qu’il y a eu recours au travail forcé à n’importe quelle étape de la chaine d’approvisionnement, elles interdiront la mise sur le marché européen des produits ciblés et leur exportation. Concrètement, ces marchandises devront alors être retirées du marché, données, recyclées ou détruites.

Quel impact sur votre entreprise ?

Ce règlement introduit, par sa similarité avec la Directive sur le devoir de vigilance (CS3D), des obligations implicites en matière de devoir de vigilance pour tous les opérateurs économiques européens, des micro-entreprises aux multinationales. Chaque entreprise qui met des produits sur le marché européen devra donc mettre en place un système de traçage tout au long de sa chaine d’approvisionnement, basé sur le risque de travail forcé.

En vue de minimiser l’impact administratif sur les entreprises, le règlement prévoit une approche basée sur le risque. Lors de leurs enquêtes, les autorités compétentes tiendront compte de : l’ampleur et la gravité du travail forcé présumé ; la quantité ou le volume de produits mis sur le marché européen ; la proportion des composants visés dans le produit final et la proximité des opérateurs économiques avec les risques de travail forcé.

Des outils de soutien spécifiques seront mis en place pour aider les PME à se conformer au futur règlement.

Les prochaines étapes

Les représentants des États membres de l’Union ont déjà adopté la proposition de règlement européen, le 13 mars au matin, en Coreper. Le Parlement européen devra encore donner son feu vert final à l’accord provisoire.

Les États membres et les opérateurs économiques disposeront ensuite de 3 ans pour commencer à appliquer les nouvelles règles. L’interdiction pourrait donc intervenir à partir de mi-2027.

Notre position

Bien que nous partageons l’objectif du règlement, nous regrettons l’absence d’étude d’impact sur nos entreprises, qui aurait dû accompagner la proposition législative. Par ailleurs, les liens avec la future directive sur le devoir de vigilance (CS3D) sont ambigus alors que les deux régimes juridiques porteraient, logiquement, sur le même cas de travail forcé. L’opérationnalisation de ce règlement sera complexe et induira des charges supplémentaires pour les entreprises, déjà soumises à une intense pression administrative.

Les premiers échos du compromis signalent qu’il n’y aurait pas de clause sur la remédiation ni sur le renversement de la charge de la preuve dans le texte, nos deux lignes rouges dans ce dossier. Toutefois, nous analyserons plus en détail les dispositions concrètes, portant sur la remédiation ou non, le système de plainte et la charge de la preuve, une fois que le texte sera rendu public.

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