Opinion

Au bout du tunnel, la lumière

Mais que le tunnel fut long … ! Que ce fut long avant que l’on se rende compte que nous étions en train d’apporter la dernière pierre à ce qui aurait été une erreur historique. Notre pays a pêché par manque de vision et d’anticipation, et ce malgré tous les signaux au rouge. Mais, soyons positifs : l’accord intervenu entre l’État belge et Engie pour prolonger les réacteurs nucléaires de Tihange 3 et Doel 4 est une bonne chose pour la Belgique. Comme le dit le Premier ministre, c’est le début d’une reprise en main de son avenir énergétique.

On prolonge deux réacteurs …

L’échec n’était pas une option … pour cette fameuse « option B » mise sur la table du gouvernement il y a de cela presque deux ans. Certes, des questions importantes pour les entreprises se posent encore dans le cadre de cet accord. Certes, nous croisons les doigts pour que les deux réacteurs puissent déjà tourner durant l’hiver 2024-2025. Mais aujourd’hui, il y a de quoi se réjouir de cette prolongation, que nous appelions de nos vœux depuis de nombreuses années. Une prolongation positive tant pour le climat que pour la sécurité d’approvisionnement et qui exercera une pression à la baisse sur les prix.

… Mais on n’oublie pas le reste

L’accord ne doit pas nous faire oublier le reste. En effet, la décarbonation de la société passe par un recours beaucoup plus intense à l’électricité pour se déplacer (véhicule électrique ou plug-in hybrid (PHEV)…), pour se chauffer (pompe à chaleur) et pour un grand nombre de processus industriels. Le tout, sans parler des besoins électriques pour la production d’hydrogène et ses dérivés, du moins pour la – petite ? – partie que nous n’importerons pas. Les besoins électriques ne feront donc que croitre très fortement dans les années à venir, comme l’indique d’ailleurs l’étude Adequacy and Flexibility Study for Belgium 2024-2034 qu’a présentée Elia le même jour que l’annonce de l’accord sur la prolongation. Un hasard ?

Les défis liés à cette électrification croissante sont gigantesques, tant au niveau du mix électrique de plus en plus décarboné et du stockage qu’au niveau des réseaux et de la flexibilité. Ainsi, nos moyens de production intermittents liés au photovoltaïque et aux éoliennes offshore et onshore vont continuer d’augmenter. Nous allons devoir mettre massivement en place du stockage et des « communautés d’énergie ». La flexibilité va devenir une réalité tant pour les PME que pour les citoyens. Et enfin, nos réseaux vont devoir se renforcer et devenir plus intelligents. À cela s’ajoutent l’économie de l’hydrogène et la capture et séquestration du carbone. Ces nombreux chantiers de grande ampleur nécessiteront des moyens financiers importants, mais aussi, et c’est fondamental, un cadre clair et innovant. De plus, et ce n’est pas nouveau, la question du temps nécessaire pour obtenir les permis est cruciale dans un monde qui entend accélérer sa course vers sa décarbonation.

Rester ouverts … et être ambitieux

Si nous savons ce qui doit être fait aujourd’hui, il faut également se préparer pour demain et ne pas retomber dans la tendance – passée, espérons-le – à manquer de vision et à faire de la politique yo-yo. Évitons également de rejeter certaines technologies – principe de neutralité technologique – par dogmatisme. Pesons équitablement le « pour » et le « contre » de chaque technologie isolément mais aussi comme partie d’un système intégré. Dans ses rapports, le GIEC estime qu’il faudra faire appel à un large éventail de technologies pour combattre les changements climatiques. Pourquoi en serait-il différemment en Belgique ? Cela signifie, entre autres, qu’il faut rester ouverts aux développements de « Small Modular Reactors ou SMR », ces nouveaux types de petits réacteurs nucléaires aux multiples avantages. Le budget dégagé par le gouvernement pour les étudier est assurément de bon augure. Mais attention à rattraper notre retard face à une série d’autres pays, très ambitieux en la matière, et à augmenter notre attractivité pour former et attirer chez nous les compétences adéquates. La loi de 2003 de sortie du nucléaire semble être un frein à retirer au plus vite. Le gouvernement insiste sur le développement industriel qu’a suscité le développement des éoliennes offshore. Ce modèle est-il reproductible pour d’autres technologies ? Et pas seulement pour le nucléaire ? Donnons une chance aux innovations et aux divers projets industriels : certains permettront le développement d’activités en Belgique et à l’exportation.

Avoir une stratégie claire et mobilisatrice

J’invite les futurs gouvernements (post-élections) à définir une véritable stratégie énergétique INTEGRÉE du et pour le pays. Il s’agit d’un pacte entre le fédéral et les Régions avec l’appui des stakeholders. Un véritable pacte et non pas un simili-pacte comme notre pays en a déjà connu. En termes d’exemples à éviter, on pourrait hélas se référer au Plan national Énergie & Climat (PNEC) de 2019, juxtaposition de plans remis à la Commission européenne et reprenant l’ensemble de nos stratégies, politiques et mesures pour atteindre nos objectifs de réduction de CO2 non-ETS, nos objectifs renouvelables, etc. Magritte en aurait dit « Ceci n’est pas un plan ». La répartition des compétences dans notre pays n’aide sans doute pas, mais c’est surtout le manque d’organisation et de volonté politique qui nous portent préjudice, à l’heure où la Belgique a besoin d’une stratégie énergétique mobilisatrice !

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